mardi 20 avril 2010

Créer ses rituels de création

Hier je suis allé voir un film argentin à la cinéthèque nationale. Il s'agissait de Todos Mienten (tous mentent).

Le film met en scène huit jeunes gens en un huis clos: une maison de campagne isolée. Ils semblent s'adonner à un jeu dont les règles ne nous sont pas expliquées. Elena est visiblement la maîtresse du jeu. On comprend petit à petit que pour elle, il s'agit d'une démarche de création artistique - elle écrirait un livre - et qu'elle se sert de ses compagnons pour servir son entreprise.

Quel différence y a-t-il entre rituel et jeu? Dans ce cas-ci, le jeu est rituel de création. Personne ne met en cause ni le sérieux de l'entreprise ni l'autorité d'Elena (elle semble d'ailleurs la seule à être autoriser à embrasser qui elle veut quand elle veut). Parlant de baisers, le groupe vit dans une grande proximité. Une seule pièce où sont entassés plusieurs lit sert de chambre à coucher. Le groupe vit dans une constante tension sexuelle, une tension un peu molle cependant, relaxe.

La création est basée sur un thème, la généalogie d'Elena, et pointe vers une personne, JMR (initiales d'un artiste peintre mystérieux). Seule Elena connaît les règles qu'elle dicte à mesure. Elle n'adopte pas la même attitude que les autres membres du groupe qui semble plutôt se croire dans une sorte de retraite hippie, elle est sérieuse, à l'écart.

Le film est modulaire. Les parties sont séparées par des cartons les titrant ou donnant à lire de longs textes (pour les standards du carton au cinéma). Le regardeur doit (re)composer la dynamique du groupe, (ré)inventer le jeu, décoder le rituel.

J'ai beaucoup aimé et suis impressionné par l'égocentrisme (je ne sais trop s'il ne s'agit pas plutôt d'égoïsme) de cette entreprise. Aussi, cela me fait réfléchir sur le besoin de rituels. Si les motivations d'Elena sont claires (du moins pour moi), celles des membres de son groupe le sont moins. À un moment du film, le groupe entr'aperçoit sa fin: quand Elena aura amassé le matériel dont elle a besoin, elle s'en ira et le groupe sera dissout. Or - et même si le groupe commençait déjà à se disloquer -, les trois filles et quatre garçons craignent cette fin et luttent contre elle.


Je voudrais moi aussi créer des rituels de création. Ici à Mexico. Impliquer des tiers, les utiliser comme outils, comme extracteur de matériel signifiant. Je voudrais retrouver le sens sacré de la création, de ce qu'elle a de fondamentale et nécessaire. De rassembleur aussi, même s'il ne s'agit, comme ici, que d'un petit groupe de personnes.

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