jeudi 29 avril 2010

Non au Superama!

Le Superama est un supermarché situé à 10-15 minutes de marche de la résidence en tout point identique à ceux que nous connaissons. Il est rassurant de faire ses emplettes dans un endroit dont nous connaissons les codes, reconnaissons le modèle: on commence par les étalages de fruits et légumes (généralement à gauche quand on fait face) puis ceux des viandes et des poissons. Les comptoirs réfrigérés des produits laitiers se trouve le long du mur du fond. Perpendiculaires à ceux-ci les différentes allées avec les boîtes de céréales, les produits ménagers, les boîtes de thon, etc.

Plus près de la résidence que le Superama, il y a le marché. Nous aimons les marchés. Qu'il est bon, l'été, d'aller chercher quelques légumes frais au marché Jean-Talon à Montréal ou à celui du Vieux-Port à Québec. Que nous sommes heureux de nous procurer des produits de saisons, locaux, et ce, dans une ambiance d'antan, presque exotique.

Aussi, avais-je pris l'habitude d'acheter quelques fruits et légumes au marché et de me procurer le reste au Superama, répétant à cela mes habitudes (et modèle) de chez moi. J'en arrive enfin au peut laïus politico-environnemental auquel je voulais en venir: alors que le supermarché moderne est le lieu suprême du suremballage, le marché est celui du vrac; le supermarché moderne fait partie d'une chaîne qui fait voyager - parfois inutilement - les produits sur des centaines, voire des milliers de kilomètres, le marché offre des produits locaux; le supermarché moderne fait partie d'un système multipliant les intermédiaires entre le producteur et l'acheteur, au marché moins d'intermédiaires; etc. (voire le site http://storyofstuff.org/ pour une info amusante sur ledit système).

Aujourd'hui, j'ai constaté de visu que l'étendu des produits offerts au marché est aussi large, sinon plus (il y a des bicyclettes au marché près de la résidence) qu'au supermarché. En plus, c'est mois cher.

La dernière barrière psychologique: la viande. Les comptoirs de viandes des marché mexicains ont tendance à choquer, voire à dégouter les nordiques dont je suis. Hier, avec mes compagnons de résidence nous nous sommes posé cette question: est-il possible de développer une endurance à la viande avariée? Non? Dans ce cas, la viande du marché ne l'est pas. Une bonne part du système dont fait partie les supermarchés fonctionne grâce à un régime de peur. Les «Attention aux microbes! Ils sont partout! Achetez notre savon anti-microbes!» et autres discours du genre nous ont conditionnés. Aujourd'hui j'ai fait tous mes achats au marché, y compris quatre superbes filets de bœuf! Et je suis content!

Bon, chez moi en hiver, c'est pas si évident d'aller au marché du coin vu qu'il n'y en a pas. Pas si évident non plus de faire toutes ses emplettes chez les petits marchands: celui de fruits et légumes, le boucher, le poissonnier, etc. Et plus cher aussi (mais de bien meilleure qualité!). Ce que nous pouvons faire par contre, c'est essayer d'acheter plus local et militer pour des produits en vrac!

Voilà, c'était ma minute politique. Je promets de ne pas recommencer.

Les artistes avec qui je suis en résidence (ajout et rappel)

• Nouvelle arrivée: Kathrin Kur
http://www.kathrinkur.com/

Elle nous arrive de Londre, mais elle est Allemande. Photographe, vidéaste, artiste, elle a qualifié Mexico de mine d'or et elle a raison. Elle n'a pas de projet précis, elle attend que celui-ci lui soit dicté par la mégapole.


• Catherine Bodmer, artiste
www.catherinebodmer.com/

Après avoir pris une pause, une distance, elle travaille maintenant à redéfinir son projet qui en est un photographique.


• Pierre Dalpé, photographe
http://pierredalpe.com/

Je ne pense pas que Pierre me dédierait si je le qualifiais de portraitiste. Pierre visite les théâtres, rencontre les acteurs, prend des photos backstage, puis prend rendez-vous pour des sessions ultérieures de prises de photo.


• Alain Fournier, cinéaste
(plein de documentaires qu'on trouve sur Youtube)

Alain est ici pour écrire le scénario de son premier long métrage. Comme l'histoire qu'il a en tête se déroule au Mexique, cette résidence était tout à fait appropriée. Il a parallèlement réalisé une série de documentaires, portraits, sur des gens rencontrés ici.

mardi 27 avril 2010

Hommage à Julia







Autoportraits au mur jaune

Comme vous le voyez, je suis pas mal égocentrique.


Autoportraits à pieds (de passants)




Moi aussi je peux faire des photos de touriste comme tout le monde

Il fallait bien que je fasse ma propre photo de la cathédrale!



Pour ceux que les touristes ne dérangent pas trop, c'est à louer et c'est très bien situé, à proximité de tout, à trois minutes du métro.


Des ombres en hommage à Julia (d'autres hommages à ses obsessions photographiques s'en viennent).

Une nuque et une casquette (silhouettes dans un café)

J'ai volontairement saturé les couleurs.

Encore l'atelier mécanique sur roues

Pour prouver que je ne mentais pas.

Les roues de l'atelier mécanique sur roues ne servent plus souvent.

Des photos mentales

Vendredi le 23 avril je suis allé, accompagné de Neri, au Musée Dolores Olmedo Patiño. Née en 1908, femme d'affaire, philanthrope et musicienne, elle connue tous les grands artistes mexicains de son temps pour lesquels, très souvent, elle fut modèle. C'est le cas pour Diego Rivera. Elle a d'ailleurs légué au «peuple mexicain» la plus importante collection d'œuvres de ce dernier. Je dis «peuple mexicain», c'est l'expression qu'elle employa elle-même pour léguer son immense hacienda acquise en 1962 à La Noria, Xochimilco, au sud de la ville de Mexico, afin d'en faire le musée dont je vous parle présentement, chers lecteurs (remarquez l'emploi du pluriel!). La hacienda se compose de plusieurs bâtiments répartis sur un immense terrain aménagé en jardins. Des chiens de cette race typiquement mexicaine (pas le chiwawa) dont la particularité est de ne pas avoir de poils hormis une touffe sur le dessus de la tête s'y promènent, ainsi que des dindes sauvages et des paons (en espagnol, les paons se nomment «dindes royales» ce qui tout de suite leur donne plus de goût). J'y ai vu 20 couchés de soleil sur le Pacifique de Diego Rivera peints depuis ta terrasse de la maison d'Acapulco de cette même Dolores. Il s'y tenait également une exposition temporaire de James Ensor, peintre belge de la fin du 19e siècle. Le sud de la ville nous rapproche des montages l'encerclant, de les voir si près me donna le goût de les escalader, ce que nous fîmes, Neri et moi, le dimanche suivant.

Nous primes un micro-bus (on désigne ainsi ces véhicules gérés par des «coopératives de voyons» [ainsi me les a-t-on désignés], chacun est décoré aux goûts de son chauffeur et il y met la musique qu'il veut) jusqu'à ce qui fut auparavant un village, mais qui s'est aujourd'hui fait avalé par la ville, tentaculaire, véritable blob, de Mexico. Du cœur du village, nous avons marché jusqu'à l'entrée du parc de «los Dynamos». C'est qu'il y coule une rivière (plutôt un ruisseau) et qu'en 1897 on y installa quatre turbines qui fournit de l'électricité aux entreprises de la vallée (pas aux habitations qui devront attendre une cinquantaine d'années supplémentaires). La rivière coule en cascades dans un canyon. Nous marchons à sa gauche. À sa droite se dresse, très haute, une montage en forme de lame. Elle s'avance le long de la rivière en se déclinant doucement vers le village, nous présentant une face très escarpée. Quelques arbres garnissent sa crête. J'ai pris, en clignant des yeux, des photos mentales que je peine ici à vous décrire. Nous nous sommes rendus à la seconde dynamo où des échoppes servent de la truite. Temps écoulé entre l'état vivant et l'état repas: 4 minutes. Puis nous avons enfilé un sentier qui montait encore, mais le soleil déclinant nous a forcé à rebrousser chemin. Végétations: beaucoup de pins et même des sapins, des cèdres aussi, partageant l'espace avec des feuillus.

Mexico se trouve à 1800 mètres d'altitudes. À quelle altitudes étions-nous? Je pourrais faire la recherche, mais je suis las.

lundi 26 avril 2010

Autoportraits à la librairie








Prises au centre-ville de Mexico

samedi 24 avril 2010

Ce que je fais à Mexico

Mélanie
Un projet d’écriture ayant des ramifications dans d’autres champs d’activités artistiques

Le Désert mauve n’est plus vraiment pour moi un roman, c’est une matrice. Matrice – mot féminin faisant référence à la mère, la procréatrice contenant tout – est un mot qui définit particulièrement bien l’œuvre de Nicole Brossard. Poète plus connue comme féministe que comme femme de lettres.

Au premier abord, Le Désert mauve se présente comme un roman (qu’on a qualifié de postmoderne à cause de sa structure) sur la traduction. Bien que morcelé et modulaire, sa structure est symétrique : un roman dans le roman écrit par une auteure fictive et la traduction du français au français par une traductrice tout aussi fictive ouvrent et concluent l’œuvre. Entre les deux, les pensées de la traductrice, puis les exercices qu’elle effectue pour s’accaparer l’univers romanesque du Désert mauve. Voici comment ça se présente :

_Le Désert mauve de Laure Angstelle
___Un livre à traduire
_____Lieux et objets
_____Personnages
_____Scènes
_____Dimensions
___Un livre à traduire (suite)
_Mauve, l’horizon de Laure Angstelle traduit par Maude Laures

Mais avant sa structure, et même avant le thème de la traduction, c’est la soif de vie de Mélanie, personnage principal de l’œuvre, et le questionnement sur la perception et la réalité, enfin bref, la force poétique du texte qui m’ont fortement frappé à la première lecture.

Le Désert mauve comme matrice.

Depuis longtemps maintenant que je veux réaliser un film expérimental à partir des éléments centraux du Désert mauve, c’est-à-dire les exercices de la traductrice qui décrit les lieux et objets appartenant à l’univers de ces personnages évoluant en Arizona, dans le désert. Elle décrit également ces derniers, imagine des dialogues entre eux, puis s’attaquent aux grands thèmes de l’œuvre : l’aube, la beauté, la peur, la civilisation, etc.

Puis, ce projet s’est de lui-même mis de côté. J’en ai réalisé d’autres : un court métrage, Projections, à partir d’un recueil de nouvelles d’Andrée A. Michaud, une suite poétique intitulé Fade out, texte de rupture basé sur une photo de mon ex-femme prise un samedi matin devant la fenêtre de la chambre.

Aujourd’hui j’en suis à poursuivre une réflexion, des questionnements sur la réalité, la fiction, la perception et la mémoire qui ont été (en partie du moins) semés dans mon esprit par ma première lecture du Désert mauve. Une réflexion que j’ai poursuivi à travers mes autres projets, Projections et Fade out, et qui trouve ici une nouvelle déclinaison.

J’écris un livre de poésie. À travers cette écriture je poursuis et questionne l’image mentale que je me suis faite de Mélanie, personnage central du Désert mauve.

Avec Fade out, j’ai écrit sur la dérive d’une image, sur ce qui reste quand son objet disparaît (quand ma femme est partie), sur les transformations que font subir la perception, puis la mémoire. J’ai écrit sur l’image d’une personne que j’ai connue. Aujourd’hui, je connais mieux cette image que la femme qu’elle représentait.

Avec Mélanie (pour l’instant, c’est le titre de mon projet), je veux continuer la réflexion entamée dans Fade out, mais sans la femme de la photo. Un personnage de fiction prend sa place. Le fait que l'une soit de chair et l'autre de papier sera aussi matière à écriture.

Exactement au milieu du roman de Brossard, on retrouve la reproduction d’un dossier contenant des photos. Ce dossier se trouve exactement au milieu de la section « Personnages » et remplace la description textuelle de « l’homme long », seul représentant du genre masculin du récit. De même, je veux que ma quête du personnage de Mélanie (et de ceux qui lui sont proches) passe du textuel à l’image. Je veux qu’au beau milieu de mon projet, je cesse de me référer au livre de Brossard pour me référer désormais 1) à une expérience artistique ; 2) à une série d’images nouvelles représentant ma (notre) vision de ces personnages. Je veux que la quête passe du virtuel au matériel. Qu’on cherche dans la réalité palpable de Mexico une Mélanie possible, une Grazie possible et une Angela Parkins possible et qu’on mette en scène les images qui seront capturées en photographie.

Je veux donc organiser de sessions de prises de photo un peu comme on le ferait d’un tournage de cinéma : casting, repérage de lieux, réalisateur, directeur photo, directeur artistique, coordination générale. Je veux impliquer d’autres gens, des gens d’ici, de Mexico, pour donner de l’air au projet, y faire entrer des idées nouvelles, me bousculer vers des avenues que je n’aurais pas envisager autrement. Je veux cesser de ressasser la même image mentale, que celle-ci soit à son tour perçue, décodée, ré-interprétée par des tiers, mais aussi par la force transformatrice de la réalité : modèle qui, forcément, ne sera pas conforme à l’image que je me fais de Mélanie, son apparence physique, mais aussi sa personnalité teinteront le personnage, etc.

jeudi 22 avril 2010

La magie de la chimie

Ou est-ce de la physique?

Quand je fais de la mayonnaise, je suis toujours hyperimpressionné par la façon dont ces ingrédients de couleurs et de textures différentes (œuf, huile, citron, moutarde et d'autres selon votre goût) se combinent et réagissent ensemble pour faire une mayonnaise de couleur et de texture (entre crème et pâte) uniforme. Je suis toujours super fier de ma mayonnaise, je la montre à tout le monde, la fait goûter et, quand je l'intègre dans une recette, cette même fierté me fait en mettre trop.

C'est dégueulasse une salade de pâtes avec trop de mayonnaise, fut-elle maison.

mercredi 21 avril 2010

Histoire de la Mercury Meteor

Pour ceux d'entre vous qui ne le savez pas, je suis à Mexico pour une résidence d'écriture. Donc j'écris. Et mon projet porte sur une recherche poétique des personnages du roman le Désert mauve de Nicole Brossard. Je copie ici un passage qui, par l'histoire du modèle de voiture que conduit le personnage principal, Mélanie, cherche à situer dans le temps le récit.


Vers quelle époque se situe le récit du Désert mauve? Kathy Kerouac, la mère de Mélanie, possède une Mercury Meteor. Mercury, une division de Ford Motors, a manufacturé la Meteor de mille neuf cent soixante-et-un à mille neuf cent soixante-trois.


Deux générations de Meteor, l’histoire d’une (légère) déchéance.

C’était la volonté d’un homme. Son échec.

Mercury, qui était alors considéré comme une marque de seconde zone proposant des produits moyen de gamme, devait prendre du galon.


C’était la volonté d’Ernest Breech. Mercury, une division de Ford Motors, serait au niveau des

Buyck

Oldsmobile

Chrysler

DeSoto

Mise en application du plan : mille neuf cent soixante, sortie du modèle : un an plus tard.


***


La première génération de la voiture était assemblée à Los Angeles, Californie, Mahwah, New Jersey, Saint-Louis, Missouri et Wayne, Michigan.

Grosse voiture.

Deux ou quatre portes. Deux ou trois vitesses, une quatrième (overdrive) en option.

De deux à six feux arrière, soit trois de chaque côté pour le modèle supérieur.

Meteor 600

Meteor 800

Monterey haut de ligne (qui auparavant était d’entrée de gamme)

Six cylindres penchées, un barril, cent trente-cinq chevaux vapeurs (ne devraient-on pas dire chevaux-pétrole?). Différents volumes de huit cylindres sont aussi offerts, tous disposés en V, le plus puissant trois cent quatre-vingt-dix pouces cubes de volume développant trois cent trente chevaux vapeurs, soit deux cent cinquante kilowatt.


***


Deuxième génération, mille neuf cent soixante-deux et soixante-trois :

est assemblée à Dearborn, Michigan et Kansas City, Missouri

Perd une taille, passe de grand à moyen format.

Breech rabroué.

Deux ou quatre portes

Deux ou quatre vitesses, automatique ou manuel

Six ou huit cylindres allant de cent soixante-dix à deux cent soixante pouces cubes de cylindrée


***


Généalogie de la Meteor :

Héritière spirituelle de la Medalist, mille neuf cent cinquante-six

Sœur d’adoption de la Monterey

Ford Fairlane a partagé son châssis avec la Meteor en mille neuf cent soixante-deux, version élargie de celui de la

Ford Falcon

Mille neuf cent soixante-quatre et soixante-cinq, pas de modèle moyen offert par Mercury, la Ford Comet occupe le créneau.

Mille neuf cent soixante-six, le nom « Comet » passe de Ford à Mercury.

En pratique, la même voiture.


***


Mais ces informations ne situent pas nécessairement le déroulement du récit à cette époque. Au nord en hiver, le sel vient du sol. Au bord de la mer, le sel est porté par les vents marins. Les carrosseries se corrodent rapidement par le dessous ou le dessus. Dans le désert de l’Arizona, pas de sel. Le voitures conservent longtemps leurs airs de jeunesse, longtemps les pare chocs chromés reflètent-ils les bandes blanches et jaunes de la route.


Je dis que Kathy Kerouac possède une vieille voiture.



À partir de quand une vielle voiture devient-elle une voiture de collection? Aujourd’hui, si on tape «Mercury Meteor» dans Google on trouve, outre un lien Wikipedia, une page consacrée aux propriétaires de ce modèle. Or, l’époque de Mélanie en est une où ce type de voiture ne fait pas l’objet de collections.


***


Autre indice, la télévision de Kathy Kerouac (Mélanie, étant en partie sans âge, ne nous fournit aucun indice temporel). Meuble imposant au vernis écaillé. Au dessus cerné par les verres qu’on y a déposés. Trônant au centre de la pièce, il oblige les occupants de ces trois chambres d’hôtels convertis en appartement à des manœuvres du bassin pour éviter le choc. En mille neuf cent quatre-vingt-trois, mon grand-père en décédant nous léguait une télévision semblable. Le modèle datait de la fin des années soixante-dix. L’écran bombé était serti dans un meuble de trois fois sa taille moulé dans une matière indéfinissable imitant le bois. De chaque côté de l’écran, des colonnes comme sculptées à même le meuble en semblait soutenir le plateau. Ce fut la télévision familiale jusqu’au début des années quatre-vingt-dix.


***


Les objets ont plusieurs vies, peuvent en avoir plusieurs.

Des cycles qui varient, raccourcissent, selon le lieu, l’époque, la culture.

Les temps relatif des objets.

Les pièces s’usent moins vite que le désir

de possession

utilité / contenu / service /

image de soi projetée


position sociale et intime



La matière forcée, travaillée, moulée en pièces, fonctions mécaniques / logique

Cohérence d’un ensemble assurant son fonctionnement.

Logique plaquée sur un autre, plus large,

qui finit toujours pas prévaloir.


…mais aujourd’hui on usine le désir et rien ne s’use plus vite que ce nouveau produit de consommation.



Dans l’univers de Mélanie – qui est une fiction – le désir est orienté vers la matière brute, organique, sensible et vivante

ou alors vers des objets d’une telle simplicité qu’ils ne cessent jamais de fonctionner.

Le revolver.


Le revolver est toujours chargé.



Le désert ou la fiction est ici un abri contre les désirs manufacturés, les objets qui s’usent plus vite que leur matière.


***


En mille neuf cent quatre-vingt, la Meteor aurait entre dix-sept et dix-neuf ans et la télévision autour de cinq (le temps que le vernis s’écaille et que les cernes se forment). Cela est plausible. Cela situe le déroulement du récit, de l’histoire.


Au Canada c’est une autre affaire. Pour le marché canadien, la Meteor est toujours restée une grande voiture. On l’a manufacturée et vendue comme telle jusqu’en mille neuf cent soixante-seize. L’auteure du Désert mauve étant Canadienne, il est possible qu’elle aie mis entre les mains habiles de Mélanie un modèle canadien de Mercury Meteor. La voiture pourrait alors être aussi récente que mille neuf cent soixante-seize. Si Mélanie est écrite au volant d’une Meteor canadienne, alors le récit peut se dérouler plus tard dans les années quatre-vingt. J’aime cette idée d’une incohérence, d’un personnage du sud des Etats-Unis au volant d’un modèle canadien de voiture. S’il en est ainsi, c’est une grande voiture, la Meteor canadienne étant toujours resté celle de mille neuf cent soixante et un.


Accessoirement, cela rapprocherait le contenu du récit du moment de son écriture.

mardi 20 avril 2010

Créer ses rituels de création

Hier je suis allé voir un film argentin à la cinéthèque nationale. Il s'agissait de Todos Mienten (tous mentent).

Le film met en scène huit jeunes gens en un huis clos: une maison de campagne isolée. Ils semblent s'adonner à un jeu dont les règles ne nous sont pas expliquées. Elena est visiblement la maîtresse du jeu. On comprend petit à petit que pour elle, il s'agit d'une démarche de création artistique - elle écrirait un livre - et qu'elle se sert de ses compagnons pour servir son entreprise.

Quel différence y a-t-il entre rituel et jeu? Dans ce cas-ci, le jeu est rituel de création. Personne ne met en cause ni le sérieux de l'entreprise ni l'autorité d'Elena (elle semble d'ailleurs la seule à être autoriser à embrasser qui elle veut quand elle veut). Parlant de baisers, le groupe vit dans une grande proximité. Une seule pièce où sont entassés plusieurs lit sert de chambre à coucher. Le groupe vit dans une constante tension sexuelle, une tension un peu molle cependant, relaxe.

La création est basée sur un thème, la généalogie d'Elena, et pointe vers une personne, JMR (initiales d'un artiste peintre mystérieux). Seule Elena connaît les règles qu'elle dicte à mesure. Elle n'adopte pas la même attitude que les autres membres du groupe qui semble plutôt se croire dans une sorte de retraite hippie, elle est sérieuse, à l'écart.

Le film est modulaire. Les parties sont séparées par des cartons les titrant ou donnant à lire de longs textes (pour les standards du carton au cinéma). Le regardeur doit (re)composer la dynamique du groupe, (ré)inventer le jeu, décoder le rituel.

J'ai beaucoup aimé et suis impressionné par l'égocentrisme (je ne sais trop s'il ne s'agit pas plutôt d'égoïsme) de cette entreprise. Aussi, cela me fait réfléchir sur le besoin de rituels. Si les motivations d'Elena sont claires (du moins pour moi), celles des membres de son groupe le sont moins. À un moment du film, le groupe entr'aperçoit sa fin: quand Elena aura amassé le matériel dont elle a besoin, elle s'en ira et le groupe sera dissout. Or - et même si le groupe commençait déjà à se disloquer -, les trois filles et quatre garçons craignent cette fin et luttent contre elle.


Je voudrais moi aussi créer des rituels de création. Ici à Mexico. Impliquer des tiers, les utiliser comme outils, comme extracteur de matériel signifiant. Je voudrais retrouver le sens sacré de la création, de ce qu'elle a de fondamentale et nécessaire. De rassembleur aussi, même s'il ne s'agit, comme ici, que d'un petit groupe de personnes.

lundi 19 avril 2010

Se promener / École de police

Se promener

Jusqu'à maintenant je sors très peu de mon quartier (remarquez que déjà j'emploie le déterminant possessif), Coyoácan. Le réseau des rues que j'emprunte s'élargit lentement. Un de mes compagnons de résidence aura fait presque le tour du pays en quatre mois. Encore aujourd'hui, il part pour deux semaines dans le Yucatán. Il fera un crochet par Oaxaca, ira trois jours à la mer.

École de police

Mitraillettes de petits formats, 35-40 cm, portées en bandoulière. N'apprennent-ils pas à l'école de police qu'il faut pointer l'arme vers le sol? Combien de fois en me promenant ai-je échangé un regard, les yeux dans l'œil, avec la mitraillette d'un policier que je croisais?

jeudi 15 avril 2010

Seconde session de tourisme

Je suis retourné au centre, à El Zócalo. Avant de sortir de la station de métro, je me suis attardé à la maquette du Templo Mayor de Tenochtitlan (qui se trouvait sur ce qui est aujourd'hui le site du Zócalo). Au 16e sciècle, Tenochtitlan était devenu une importante capitale aztèque construite sur le lac Texcoco que Cortés, avant de s'en emparer, a comparé à Venise. Aujourd'hui, il ne reste rien de cette ville. Quadrillant les rues du quartier je me demande ce qu'est une Histoire sans patrimoine bâti? Les Espagnols victorieux se sont assurés de leur trace en effaçant ce qu'il était possible d'effacer de l'ancienne culture et en la remplaçant par la sienne. Le bon vieux temps où un peuple pouvait casser la gueule à un autre, s'approprier son territoire et se vanter devant tous d'être le plus fort. Aujourd'hui c'est différent, on folklorise. La folklorisation a ceci de bien qu'elle crée des produits alimentant un marché de plus en plus prospère (et auquel je participe).


image: Wikipedia

Continuant ma déambulation - lente car je dois contourner les piétons, les commerçant installés sur les trottoirs, leurs clients, les policiers (il y en a des dizaines) - soudain ça me frappe: qu'est-ce que ça change qui perd ou gagne? Les marchands vendent leurs produits à la criée. Les cultures sont influençables comme un pré-adolescent de onze ans qu'on convainc de s'allumer sa première cigarette.

Au détour d'une rue j'aperçois l'enseigne d'un cinéma. Cine Venus. Je m'approche et me rends compte qu'on n'y projette que des films porno. Je n'ai plus un sous en poche, mais je me promets d'y retourner. J'ai raté l'occasion ethnologique de visiter le Cinéma Midi-Minuit, rue Saint-Joseph à Québec (devenu l'Impérial, allez voir sur Wikipedia), je vais me reprendre ici, à Mexico!

Je retournerai au centre pour photographier les façades des édifices histoire de remettre quelques images sur ce blog.

mercredi 14 avril 2010

Une quasie expérience du théâtre mexicain

Une grande Mexicaine (il y en a beaucoup ici, pas toutes grandes) vêtue d'une robe chinoise de satin bleue m'a remis Place Hidalgo un tract annonçant une pièce de théâtre, Angeles Ultimos. Je suis le plus souvent peu sensible à la publicité, fut-elle culturelle. Mais cette fois un détail attire mon attention: le logo du gouvernement du Québec y figure, même qu'il est placé avant celui du théâtre, lui-même en meilleure position que ceux des bailleurs de fonds publics mexicains. Je me mets à la recherche de la grande Mexicaine vêtue d'une robe chinoise, mais elle a disparue. Je quadrille la place. Ce faisant, mon regard balaie les gens aux terrasses, accompagnés, souriant, habillés pour l'occasion, socialisant, sexualisant. Je me dis qu'il faudrait bien que je sorte un peu (jusqu'à maintenant, je passe mes soirée dans ma chambre à regarder des films téléchargés) si je veux rencontrer des gens, bâtir un réseau social. Je décide d'aller au théâtre. J'y résoudrai bien le mystère de la contribution québécoise à cette pièce qui, à en juger des noms figurant sur le tract, est 100% mexicaine. Teatro La Capilla, le nom me dit quelque chose. 13, rue Madrid. Il y a un plan au dos du tract.

J'arrive un peu tôt. Il est 19h15. La pièce n'est qu'à 20h. Il y a un restaurant attenant. Il est vide. Je m'assois, prend une bière. Commence à écrire ce que vous lisez. C'est que j'étais sorti sans livre en me disant que j'allais au centre pour enregistrer les orgues de barberie qui faussent (épique! certains de ces instruments datent de 1810 et sont entretenus par des gens qui n'ont pas forcément l'oreille musicale) et que je rentrerais immédiatement. Le fait que je sois (temps présent parce que je transcris mes notes d'hier) à une table de restaurant vide à attendre qu'il soit l'heure prouve qu'il faut TOUJOURS avoir un livre avec soi. Bon, à la place j'écris tout ce qui me passe par la tête, c'est pas plus mal.

(Julia, à cet endroit du texte, il y a pour toi un aparté sur notre blog privé)

19h45, j'ai fini ma bière. Je vais acheter mon billet. Je discute avec la guichetière. Je remarque que derrière elle se trouve la grande Mexicaine à la robe chinoise. La guichetière m'explique que c'est le théâtre qui est appuyé par la fondation Québec (hein?!), que ce théâtre, dirigé par un Français du nom de Boris Schoemann, monte beaucoup de textes québécois. Voilà le mystère résolu même si cette résolution soulève d'autres questions. Billet en poche, j'attends toujours qu'il soit l'heure. L'heure venue, la guichetière vient m'annoncer que la pièce est annulée puisque je suis le seul représentant de la gent «public» ce soir-là. Je retourne à ma chambre. Je ne regarde pas de film téléchargé (mais j'en télécharge un pour le lendemain), je termine Sous le ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis.

mardi 13 avril 2010

Ma journée de tourisme de la semaine

On nomme la place centrale, au centre historique de Mexico, El Zócalo. Même la station de métro qui y mène se nomme ainsi. «Zócalo» vient de l'italien et signifie «socle». En 1843, le général Antonio López de Santa Anna, président du Mexique pour son 6e mandat organisa une conférence pour réfléchir à un monument pour l'indépendance de la nation au centre de la place qui avait accueilli jadis la statue équestre de Charles Quint. Bon, je passe vite sur les détails du concours, c'est un certain Griffo qui gagne, mais le président passe par dessus le concours et décide qu'on érigera une colonne de l'indépendance de l'architecte Lorenzo de la Hidalgo (probablement qu'il finance le parti). On installe au centre de la place un immense socle de marbre de deux mètres et demi de hauteur. Par manque de fonds, on ne franchira jamais les étapes subséquentes de la construction de la colonne et les habitants finissent par nommer la place Le Socle, El Zócalo. (réf.: wikipedia)


photo: Wikipedia

Cette histoire est sympathique, mais ce n'est pas ce qui m'a impressionné le plus de cette place, une des plus grande au monde. Ce qui me jette sur le cul (j'en avais entendu parler, mais de le voir c'est autre chose), c'est que la place s'enfonce. Vers 1850 on commence à pomper l'eau sous la place. Résultat, la cathédrale s'enfonce dans le sol un peu plus à chaque année. À l'intérieur, il y a un immense pendule indiquant les changements d'angle du sol depuis la construction de l'édifice. Dans la chapelle attenante, il est assez rigolo de voir les lustres s'approcher des murs. En effet, comme, quand on est à l'intérieur, on se réfère aux murs pour déterminer la verticale, on a l'impression que les lustres accrochés au plafond pendent en diagonale.

dimanche 11 avril 2010

Les artistes avec qui je suis en résidence

Catherine Bodmer
www.catherinebodmer.com/

Pierre Dalpé
http://pierredalpe.com/

Alain Fournier
(plein de documentaires qu'on trouve sur Youtube)

samedi 10 avril 2010

Navigation pénible mais jolie.

Les racines des arbres font se soulever les trottoirs par plaques.

vendredi 9 avril 2010

Un autre atelier mécanique, sur roues celui-là

Après le garage-restaurant (c'est pas nouveau, il y en a plein et jusque dans Verdun), le camion-garage:
C'est pas des blagues, c'est vraiment un atelier mécanique. Les outils sont dans le camion, ainsi qu'un espace pour l'usinage ou je ne sais quoi. Les voitures sont réparées dans la rue. Elles sont stationnées devant et derrière l'atelier. Pas cher de loyer!

Le restaurant du coin

Ce que je prenais pour un atelier de mécanique est en fait le restaurant du coin. Je me promets d'y manger bientôt!

Kiosque à journaux, suite: la photo promise (avec trois échelles de plan)



jeudi 8 avril 2010

Kiosque à journaux

Anaïs et Lili en monokini s'embrassent sur une plage. Anaïs surplombe quelque peu Lili. Son sein gauche se presse légèrement sur le sein droit de celle-ci. Le soleil derrière elles souligne leurs silhouettes et met de l'éclat dans leur cheveux. L'article s'intitule «Paraiso lesbico» (bien que, malgré le fait qu'elles s'embrassent, elles n'aient pas du tout l'air de lesbiennes). Je me demande si l'article contient une sorte de carte au trésor.

Je promets une photo pour bientôt!

mercredi 7 avril 2010

Ma rue (bis)

Où l'on voit un détail de l'arbre dont je parlais dans mon premier message.

Où le point de vue traverse ma rue en diagonale.

mardi 6 avril 2010

veuillez svp éteindre vos cellulaires

Assis à la terrasse d'un café, j'entonne de concert avec le chansonnier l'air de Creep de Radiohead. Je trouve qu'il a un accent rigolo et dérangeant à la fois (c'est-à-dire que l'accent me fait me rendre compte qu'il ne s'agit pas de Thom Yorke). Mon plaisir est un peu gâché par une forte sonnerie de téléphone intervenant vers la fin de la chanson. Je cherche des yeux le responsable. C'était le chansonnier.

autre anecdote à la mitraillette

Il s'agit encore d'un policier (fort heureusement, les seules personnes que j'ai vu avec des mitraillettes jusqu'à maintenant sont des policiers). Dirigeant la circulation d'une main, il reposait l'autre sur son arme, le pouce posé sur l'orifice du canon. Le tout en une pose assez détendue.

Première aventure mexicaine

Mexico, première aventure: je cherchais un parc où aller faire du jogging. Pas n'importe lequel, un super grand où l'on fait pousser tous les arbres et arbustes publics qu'on plante dans cette ville (très beau, on y respire l'oxygène expiré par les plantes mélangé au monoxyde de carbone relâché par les voitures). Je demande mon chemin à un policier qui surveillait la circulation. Celui-ci porte une mitraillette en bandoulière. La mitraillette repose sur sa poitrine et pointe en diagonal vers le haut. Je lui demande où est le grand parc où ils font pousser les arbres. Il sort une carte. En me pointant le lieu sur la carte, la mitraillette pointe vers mon visage. Je m'écarte un peu. En m'expliquant le chemin, il pivote pour mieux me montrer, le canon de la mitraillette pointe à nouveau vers mon visage. Je le remercie et trouve de suite le parc qui était juste à côté.

Arrivée à la Casa del escritor

Je suis arrivé à Mexico, dans le quartier de Coyoacán, hier le 5 avril à 12h30. Je considère le 5 avril comme le jour 0 de cette résidence. Rien à dire sur le voyage. Sur le quartier par contre, j'ai quelque chose à dire. Je vais le dire une fois pour toute et qu'on passe à autre chose: c'est magnifique. Il y a des lilas géants, grands comme des érables. Bon, c'est pas des lilas, mais la fleur est de la même couleur. L'arbre a plus de fleurs que de feuilles. J'avais vu un arbre semblable au mois de janvier 2006 à Colima, mais les fleurs étaient jaunes. L'arbre perd toutes ses feuilles et se charge de fleurs. C'est très esthétique c'est le moins qu'on puisse dire. Bon, il n'y a pas que ces arbres-lilas, il y en a plein d'autres et des gens aussi et des marchés, etc. Coyoàcan est une espèce de bulle dans la plus grande ville du monde. Bon, j'en suis aux quelques photos visant à vous situer, à vous montrer le fameux arbre et le logis où je passerai les quatre prochains mois. Parenthèse en passant, je regrette de ne pas avoir apporté mon petit appareil Canon (je n'ai que le gros tabarnouche), je l'ai laissé à Julia qui est une bien meilleure photographe que moi. Donc, pas beaucoup de photos:
Première photo où l'on voit l'arbre-lilas en question.

Où l'on voit les pétales des fleurs de l'arbre ainsi qu'une coccinelle. (la période de floraison est presque terminée).

Où l'on voit un détail de la cour intérieur de là où j'habite.